La compression audio est un moyen pratique et efficace de relever un peu la sauce d’un son. Par contre cet outil est à utiliser avec beaucoup de precaution et avec une extreme moderation, si nous voulons éviter la degradation de l’audio source et bien entendu respecter le travail final en post-prod et mix. Voici les conseils d’un pro, Baudoin Ferrand, ingénieur son chez PrimeVoices.
Le monde de l’audio et de la vidéo est vaste, complexe. Les termes employés sont nombreux et difficiles d’accès. Il est important qu’en tant que comédiens voix off, notamment si vous avez votre home studio, vous en connaissiez au moins les bases car vous êtes amenés à utiliser au quotidien certains outils bien spécifiques dont il est important de connaître l’utilité.
Dans cet article, je vais désenchanter un terme très récurrent dans l’univers de l’audio : celui de compression, et par conséquent de compresseur.
Attention, en audio, il existe deux types de compression :
– de dynamique
– de donnée
Je ne vous parlerai que de la première dans cet article. La compression de donnée consiste le plus généralement à dégrader la qualité d’un audio pour qu’il soit moins lourd, donc qu’il prenne moins de place dans un disque dur par exemple. Vous pouvez vous référer à l’article que j’ai écrit en autre à ce sujet, en cliquant ici.
1) Définition :
Pour comprendre la compression de dynamique, il faut tout d’abord définir la dynamique.
La dynamique d’un son est la différence entre son niveau le plus faible et son niveau le plus fort. Dans l’illustration ci-dessous, voyez en bas un son avec une dynamique moyenne, dont la variation de niveau est bien visible ; puis le même audio en haut dont la dynamique a été réduite. L’ensemble des sons est globalement plus fort et varie moins. On dit alors que le son d’en haut est plus compressé que celui d’en bas.
Primevoices_dynamic
Lors de votre enregistrement voix, le son sera assez naturellement très dynamique. En effet la voix est un instrument qui s’exprime sur une très large palette d’intensité sonore, du murmure au cri. Il est alors parfois nécessaire de contrôler cette forte variation d’intensité, notamment pour conserver l’intelligibilité du message.
L’outil par excellence pour contrôler cette dynamique est le compresseur.
Son principe de fonctionnement est assez simple. Il va « comprimer » les niveaux les plus forts de l’audio, c’est à dire qu’au delà d’un certain « seuil » il va atténuer l’intensité sonore.
La résultante de cette opération est que l’audio sonne moins fort, il est donc possible d’en monter le niveau général sans entrer dans la saturation. Par conséquent, un son fortement compressé a un niveau sonore bien plus faible, qu’il est possible de fortement monter. Le gain de niveau général est donc très important. L’illustration ci-dessus le montre assez clairement.
2) Pour quel usage ?
Pendant longtemps dans le monde de la musique, la course était à celui qui sonnait le plus fort, en particulier à la radio. En effet, inconsciemment lorsque nous comparons deux audios nous préférons toujours celui qui est plus intense, ce qui est économiquement intéressant pour celui qui le produit. Ainsi durant cette période, appelée la Loudness war (ou Guerre du volume), le compresseur a été rudement mis à mal, surexploité afin de gagner des dB. Des sommets d’absurdités musicales ont été atteints. Et depuis quelques années nous en revenons progressivement, l’expression musicalité reprend petit à petit ses droits.
Cette aparté nous apprend une chose : le compresseur est un outil et non une fin en soi. Il est important de l’utiliser quand il est nécessaire et en adéquation avec le résultat désiré. Quelques exemples :
– Dans un audioguide de musée ou dans un e-learning, il est inutile d’appliquer une forte compression sur la voix. Le naturel et l’intelligibilité sont les priorités. Tenir un peu l’audio dans un niveau moyen est nécessaire mais seulement pour servir le message.
– Dans une publicité web ou TV, il est souvent demandé que le niveau général de la voix soit fort, par soucis de clarté mais également pour capter plus facilement l’attention du spectateur et avoir de l’impact.
– Pour des messages téléphoniques, il est nécessaire que le message soit bien compris. Une belle compression est parfois la bienvenue car les systèmes de restitution sont peu performants (téléphone).
D’une manière plus générale, la compression permet de tenir l’audio, de lui éviter des écarts parfois trop important et est donc l’outil idéal pour éclaircir un message et ajouter de la présence à la voix.
3) Plus concrètement.
Pour un comédien voix off, voici ce que je recommande. Il s’agit seulement d’un cadre général et de quelques principes de bases.
Lors de l’enregistrement, ne mettez pas de compression. Pourquoi ? Car c’est irréversible tout simplement. Compresser un son après l’enregistrement est toujours possible, mais l’inverse non. Et c’est d’autant plus gênant quand la compression était mal réglée.
Lorsque vous êtes en relation avec un studio pour le projet, n’appliquez pas de traitement. Les studios aiment avoir le contrôle sur les audios. Ils sont en général bien équipés pour cela.
Lorsque vous êtes en relation direct avec un client, ayez tout de même la main légère sur les traitements de dynamique, je vois trop souvent des audios fortement dégradés par des réglages non adaptés et de mauvaises qualités.
Comme tous les éléments de la chaîne sonore, les compressions sont de qualité variable et ont une signature sonore propre. Si vous en cherchez une, veillez à ce qu’elle soit en adéquation avec vos projets et qu’elle ait une qualité cohérente au regard de l’ensemble de votre matériel.
4) Comment régler une compression ?
Voici une liste des réglages que l’ont retrouve sur la plupart des machines et plug-in du marché. N’oubliez pas que c’est avant tout votre oreille qui travaille !
J’ajoute que le compresseur est un outil très délicat à manipuler. Les résultats sont parfois difficiles à entendre et donc à obtenir. Une compression est vite mal réglée, peut avoir des effets de « pompage » et dénaturer complètement un audio. Le mieux pour l’appréhender est de commencer en douceur, en manipulant les réglages les uns après les autres et en prenant le temps nécessaire pour comprendre sur quoi ils agissent.
La règle d’or : Dans le doute je m’abstiens !
– Le seuil (ou threshold) : il détermine à partir de quel niveau d’intensité la compression va agir. Plus le seuil est bas (faible niveau sonore), plus la compression sera active.
– Le ratio : c’est le taux de compression appliqué à un signal dépassant le seuil. Par exemple pour un réglage de 3:1, un signal dépassant le seuil de 9dB sortira avec 3dB de la compression (facteur de 3).
– L’attack (ou temps d’attaque) : définit le temps que met le compresseur à agir avant compression. Pour un réglage de 20ms (milliseconde), la compression n’agira que 20ms après dépassement du seuil.
– Le release (ou temps de relâchement) : c’est le temps que met le compresseur pour revenir à son état initial après que le signal soit de nouveau passé sous le niveau du seuil. Ce dernier réglage est assez délicat, attention à ne pas avoir la main trop lourde.
Il existe d’autres réglages, qu’on ne retrouvera pas sur toutes les machines ou plug-in. Si vous maîtrisez déjà ces quatre là, il vous sera possible d’appliquer de belles compressions.
Je conclurai en vous disant que maîtriser la compression demande du temps et de la pratique. Il est important de savoir quand l’utiliser ou non car certains projets ne se prêtent absolument pas à de fortes compressions. D’une manière plus générale, en tant que comédien voix off il ne vous est pas demandé de faire des traitements audios sur vos prises. Les studios apprécient surtout des enregistrements bruts qu’ils peuvent triturer à leur guise. Mais si vous êtes amené à utiliser ces outils soyez délicat, car il est difficile de corriger des erreurs de traitement de dynamique.